Inventer

En 2001, nous devions à nos amis Pierre Mousseron et Jacques Raynard la direction, non pas de « mélanges » en l’honneur du professeur Jean Marc Mousseron, qui nous avait quitté en décembre 2000, mais d’un ouvrage suggestif dont il avait lui-même eu l’idée. Plutôt que de songer à une publication, parfois aussi dénommée liber amicorum et constituée souvent de contributions de collègues, inégales et disparates, il avait souhaité, sans prétention aucune, qu’un certain nombre de ses propres articles, préfaces de thèses, rapports de synthèse, extraits d’ouvrages ou autres fussent réunis dans un ensemble cohérent. Ce à quoi ont œuvré nos amis précités.

Ils ont donné à l’ouvrage, on le sait, le titre d’Inventer, en référence à l’intérêt de l’auteur pour le droit des brevets d’invention, mais traduisant aussi le caractère novateur des écrits qui y sont rassemblés (LexisNexis, 2001). Il faut relire Mousseron qui appliqua sa réflexion à des objets divers.

On lui doit le mot – et la chose – de Technique contractuelle : description de ce qui peut se faire dans le processus de formation d’un accord puis dans sa rédaction ordonnée. Technique contractuelle est incontournable et connaît aujourd’hui sa cinquième édition. On lui doit un apport fondamental en droit des biens en deux célèbres articles reproduits dans l’ouvrage Inventer : Valeurs, biens, droits (Mél. A. Breton – F. Derrida : Dalloz, 1991, p. 227 ) et De la propriété comme modèle (en collab. J. Raynard et T. Revet, Mél. A. Colomer : Litec, 1993, p. 281). On rappellera qu’il portait aussi attention au droit de la concurrence (par ex. et repris dans Inventer, Entreprise : Parasitisme et droit : CDE 1992, VI, p. 15, et au Droit de la distribution (collectif) : Litec, 1975). Pour les lecteurs de la présente revue, Jean Marc Mousseron demeurera le meilleur spécialiste du droit des brevets et Inventer comporte notamment l’Introduction générale à son Traité des brevets, t. 1 : Litec, 1984, p. 1 (brevetabilité) dont on regrette qu’il n’ait pu achever le tome 2 (Exploitation). Inventer permet également d’avoir accès à la conclusion de la thèse de doctorat de l’auteur sur Le droit du breveté d’invention, Contribution à une analyse objective (LGDJ, 1961, p. 259), établissant de manière définitive la qualification du droit de brevet en un droit de propriété incorporelle, ce qui n’était guère perçu jusqu’alors.

On lui doit encore un Droit du commerce international (en collab.) : Litec, 2e éd., 2000, reproduit en extrait dans Inventer. L’universitaire singulier ne bornait pas son talent aux travaux rigoureux de recherche, mais enseignait avec passion, éloquence et force de conviction. C’était le métier qu’il avait choisi et qu’il avait théorisé avec humour dans son article À quoi servent les professeurs de droit ?, reproduit dans l’ouvrage, page 451, en en justifiant, comme s’il en était besoin, l’utilité (Mél. J. Paillusseau, 2003). Inventer se clôt sur une rubrique Méditerranée avec notamment un texte insolite, poétique et documenté (conclusion de l’ouvrage Crèche et santons de Provence : non référencé) s’interrogeant avec quelque nostalgie sur l’avenir des santons et de la crèche face à la mondialisation, au succès du sapin et du père Noël, à l’évolution de la statuette populaire, des métiers représentés, des vêtements des santons, ou de la représentation de personnalités médiatiques, telle Caroline de Monaco, pouvant ce faisant porter atteinte à leur droit à l’image.

Inventer est toujours d’actualité et d’une lecture enrichissante dans la diversité et la profondeur des textes qu’il réunit.

Repère par Christian LE STANC, publié dans la Revue Propriété Industrielle, Editions Lexis-Nexis.

 

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