Brevets made in China
A l’heure où les produits contrefaits chinois sont omniprésents sur notre territoire se pose inévitablement la question de la cohérence de la présence de la Chine au sein de la convention de Paris sur la protection de la propriété intellectuelle ainsi qu’au sein de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
Mais il convient d’observer que paradoxalement à ce phénomène, la Chine est également le pays qui dépose actuellement le plus de demande de brevets et contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le droit des brevets chinois n’est pas tellement différent du notre.
- La situation actuelle
Depuis 1995 le nombre de dépôts de brevets en Chine a presque triplé. En 2012 on comptait 2,35 millions de demandes. Contrairement à l’époque où les chinois se contentaient de reproduire des produits déjà existant, aujourd’hui ils s’en inspirent mais apportent leurs propres touches de nouveauté et éléments permettant de les distinguer pour pouvoir ensuite obtenir leur propre brevet et/ou marque. Egalement, les entreprises investissent de plus en plus en recherche-développement pour innover à leur tour et miser sur la qualité. L’industrie chinoise comprend désormais qu’il faut développer ses propres produits et progresser en termes de normes de sécurité plutôt que de contrefaire car sinon les clients ne reviennent pas.
- Les conditions de brevetabilité
Concernant les conditions de brevetabilité en Chine, celles-ci sont très proches des nôtres puisque de la même façon sont requis les critères de nouveauté, d’inventivité et d’application industrielle. De plus on observe une volonté de se mettre en conformité avec les accords internationaux auxquels la Chine a adhéré à travers notamment la loi sur les brevets du 1er Octobre 2008. La grande réforme apportée par ce texte concerne la condition de nouveauté, puisque désormais il s’agit d’une condition de nouveauté absolue. C’est-à-dire que contrairement à la nouveauté qui s’apprécie au sein du pays dans lequel la demande de brevet a lieu, la nouveauté absolue s’apprécie à l’échelle mondiale : s’il existe une divulgation antérieure n’importe où dans le monde, celle-ci sera prise en compte et donc le brevet refusé pour défaut de nouveauté absolue. Ceci semble marquer une réelle volonté de lutter contre la contrefaçon, néanmoins entre théorie et pratique il existe un certain décalage.
- La répression de la contrefaçon en Chine
La victime d’une contrefaçon a trois voies d’actions : la voie administrative, la voie judiciaire civile et la voie judiciaire pénale. La voie administrative sera empruntée en cas de médiation entre les parties, tandis que dans les cas de contrefaçon plus graves où la victime souhaite obtenir réparation il faudra opter pour l’une des voies judiciaires.
Bien que la lutte contre la contrefaçon ait été présentée comme l’un des objectifs majeurs de la réforme du droit des brevets de 2008, en réalité les dispositions le démentent. Effectivement, au départ il était prévu de renforcer les pouvoirs des agents administratifs de la SIPO (office d’Etat de la propriété intellectuelle de la République populaire de Chine), or cette disposition n’a pas été adoptée dans le texte final. De la même façon les dommages intérêts à verser en cas de contrefaçon devaient être un multiple de la redevance de licence obligatoire, cela n’a pas non plus été retenu. De plus, un concept de forclusion par tolérance a été introduit dans cette loi. Ainsi le breveté ne pourra pas agir contre le contrefacteur s’il a laissé un délai de deux ans s’écouler sans agir.
On constate donc que malgré un effort de la Chine pour rapprocher son droit des brevets du notre, il y a encore du chemin à faire dans la lutte contre la contrefaçon qui demeure un terrain sensible.
- Dépôt de brevet en Chine par un étranger
Un brevet étranger n’a pas d’effet en Chine, et inversement, donc si l’on souhaite voir son invention ou marque ou dessin protégé dans ce pays il faut directement effectuer une demande en Chine. L’inconvénient d’une telle procédure est que cette demande doit être effectuée en chinois. Il existe donc des alternatives au dépôt de la demande en Chine. Effectivement on peut déposer dans un autre Etat membre de la convention de Paris et ensuite on dispose du délai de priorité qui laisse 12 mois pour déposer dans d’autres pays, dont la Chine. Ou encore, on peut passer par le biais du traité de coopération sur les brevets (PCT : patent cooperation treaty) permettant d’effectuer une demande auprès de n’importe quel bureau national au sein de l’Union Européenne ou auprès de l’office européen des brevets, à la suite de quoi un délai de 30 mois est laissé pour déposer dans n’importe quel pays membre de ce traité, donc y compris en Chine. Et le gros avantage de cette procédure est que la demande PCT doit être rédigée en anglais, et non en chinois !
Par Clémence Ballet